Avait-elle bien entendu ? Elle continuait d'avancer malgré tout, mais son esprit était complètement ailleurs. Avait-il vraiment déchiré la seule couverture qui pouvait le protéger du froid ? La sirène baissa tranquillement les yeux vers ce qui lui servait de jupe-robe, l'examina d'un coup d’œil rapide, puis tourna la tête en direction du jeune homme. Mais pourquoi a-t-il fait cela ? La jeune femme prit quelques secondes supplémentaires pour réfléchir à ce geste, qui n'avait rien d'innocent. Elle avait toujours été quelqu'un qui donnait sans réfléchir à qui le voulait, pour elle c'était un geste habituel. Comme un mouvement que l'on a répété trop longtemps et qui a fini par se graver dans notre mémoire, mais elle doutait fortement que ce soit la même chose pour lui. Était-il si bon au fond ? Il n'y avait rien de moins sur à cet instant, mais la princesse s'arrêta et resserra la poigne autour de sa main pour s'assurer qu'il n'aille pas très loin. Elle l'observa droit dans les yeux lorsqu'il daigna se tourner vers elle - probablement pour lui demander pourquoi elle s'arrêtait.

▬ « As-tu d'autres couvertures, au moins ? » demanda-t-elle en se sentant extrêmement coupable de le priver de la maigre chaleur que cette « guenille » pouvait lui procurer.

Ses yeux étaient un peu écarquillés et elle le regardait comme si sa vie dépendait de cette réponse. Elle vit un sourire se peindre dans ses yeux, puis elle secoua la main en poussant un très long soupire d'exaspération.

▬ « C'est bon, c'est bon. Je ne veux pas le savoir au fond ! »

Elle recommença à avancer dans la forêt qui lui semblait nettement plus familière maintenant que le soleil s'était levé. Ariel se prit même à se demander comment elle avait fait pour se perdre dans une forêt qu'elle passait ses journées à traverser. Il ne fallait pas oublier qu'elle vivait au bord de la mer et qu'elle passait le plus clair de ses journées au centre de soins, entre les deux la forêt régnait en maître. Ce fut donc en se trouvant très stupide qu'ils débouchèrent sur la plage. Dès que le sable chaud entra en contact avec ses pieds, la jeune femme eut un sourire éblouissant. Il lui avait manqué ce sable, cet air qui n'était pas le même en forêt qu'en mer.

▬ « Magnifique » murmura-t-elle pour elle-même.

Elle n'avait toujours pas lâché sa main, mais contourna la plage - elle n'avait pas envie de se transformer en eau aussi peu profonde. Elle longea le sable chaud avec un certain sourire qu'Hansel ne devait pas lui avoir déjà vu, la mer lui faisait cet effet addictif. Elle était soulagée, comme un drogué qui entrevoit enfin cette précieuse substance. La princesse s'avança encore un peu et apercevait sa petite maison au loin, sur l'océan. Son visage s'illumina instantanément, puis elle commença à courir en direction de la passerelle qui lui permettait d'accéder à SON refuge.

▬ « C'est ça, ma maison. » dit-elle en s'engageant sur les planches en bois qui donnaient l'impression de flotter sur l'eau.

Ma main toujours dans la sienne, j'avance d'un pas continu. N'ayant aucune idée vers où nous allons, je laisse naïvement la jeune femme me guider. Je n'ai pas peur et je ne me méfie guère. La connaissant à peine, je lui fais tout de même, relativement confiance. Une confiance qui est très loin d'être aveugle, cela ne fait pas assez longtemps que je la connais pour ça. Mais de toute façon, quoi qu'il arrive, je sais me défendre. Par contre, vu la douceur et tendresse avec laquelle ses yeux me regardent parfois, je doute grandement qu'elle puisse me faire du mal, mais si la vie m'a bien sauvagement appris quelque chose, c'est bien qu'il ne faut pas faire confiance aux gens trop rapidement et surtout, ne jamais, mais jamais se fier aux apparences. Les gens sont fourbes et pleins de malice. Certains sont prêts à aller très loin dans leurs actions et leurs mensonges pour arriver au résultat qu'ils espèrent.

Je sentis subitement un blocage dans mon avancer, me faisant sortir de ma torpeur. Mes yeux se tournent vers la femme-poisson qui a cessé de progresser. Mon regard se pose dans le sien et remarqua que son visage devint très expressif à un tel point que je fronçai les sourcils.

- As-tu d'autres couvertures, au moins ?

Mon visage se détendit devant cette question. Même un bref sourire en coin amusé apparut sur le coin de mes lèvres. Je n'aurais peut-être pas dû lui dire d'où la guenille provient. J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais aucun son n'eut le temps de sortir, qu'elle enchaîne de sa voix mélodieuse.

- C'est bon, c'est bon. Je ne veux pas le savoir au fond !
- Certaine ?

Reprenant la progression, je hausse les épaules, continuant de la suivre. Son silence veut tout dire et cela m'amuse. C'est ce genre de petite réaction qui la rend complètement charmante. Pourquoi diable poser une question si on ne désire pas la réponse ?

Une longue distance sépare sa demeure de la mienne, mais je finis enfin par voir la lisière de la forêt droit devant nous. Cet endroit mène directement sur la plage. J'aurais dû y penser, quoi de plus logique pour une personne aquatique de vivre prêt d'une énorme source d'eau.

Les deux pieds dans le sable je regarde la vue autour de moi. Ce paysage clair et illuminé, contrastant avec celui de la forêt. Les vagues qui dansent dans la mer et qui viennent s'échouer sur le sable chaud, se chevauchant l'une avec l'autre dans un cycle infini.

- C'est ça, ma maison.

Un bruit sourd attire alors mon attention. Je baisse les yeux, un bref instant, vers les planches de bois sur lesquels je viens de déposer les pieds. Relevant les yeux, je vois juste devant moi la fameuse demeure d'Ariel. Nettement plus accueillant que la pourriture de mienne.

- C'est largement plus chaleureux et la vue .. incroyable.

Arrivant devant l'entrée de sa maison, je me rends compte à quel point que je vis de misère. Je me sentis même très mal à l'aise laisser celle-ci dormir dans un endroit si poussiéreux et froid. De ma main libre je passe une main dans mes cheveux, descendant jusqu'à ma nuque, me grattant.

ELorsque la princesse avait construit sa maison, elle l'avait fait assez éloigné de la rive pour que personne ne la voit de la plage. Elle avait observé les différentes plages du nouveau monde et avait constaté que celle où elle avait bâti son habitation était la moins populaire, celle où les gens n'osaient pas s'aventurer. À dire vrai, c'était celle qui se rapprochait le plus de l'île aux dragons et personne n'avait envie de s'attirer les foudres de ces bêtes dévoreuses d'hommes. Il lui avait fallu au moins deux ans pour réussir à bâtir ce petit chef-d'oeuvre qu'elle s'était offert et elle l'adorait, bien que cette maisonnette soit beaucoup trop grande pour ses besoins à elle. Effectivement, la princesse l'avait construite en pensant que sa famille reviendrait, qu'ils sauraient la retrouver, donc la demeure possédait deux chambres de trop.

▬ « C'est largement plus chaleureux et la vue ... incroyable. »

La jeune femme acquiesça d'un simple mouvement de tête avant de se retourner complètement dans sa direction, elle ne se souvenait plus de quoi sa maison avait l'air lorsqu'elle l'avait quitté la veille. Ordonné ou bordélique ? Est-ce que cela allait avoir beaucoup d'importance aux yeux d'Hansel ? La jeune femme en conclus qu'il n'y verrait probablement pas d'inconvénient a quelques assiettes sales, elle poussa donc la porte et pénétra dans la maison. Joliment décorée, la jeune femme fut soulagée de se rendre compte que tout était à l'ordre et bien rangé. Sur la table de la cuisine, un joli pot contenant plusieurs fleurs marines était posé là en guise de décoration. Plusieurs toiles et coquillages ornaient les murs de la demeure, tous les rideaux et couleurs accent de la maison étaient azur.

Ariel invita le jeune homme à s'asseoir sur le sofa du salon et se dirigea vers la cuisine où elle plongea la main dans le plancher, elle y sortit un coquillage rempli d'eau marine qu'elle s'empressa d'aller verser sur la plante de la table, un sourire aux lèvres. Au fond de la cuisine, un grand rideau séparait la pièce, les mêmes - au nombre de trois - était érigé sur les différents murs du salon.

▬ « Je reviens, d'accord ? » lança-t-elle avant de disparaitre devant l'un d'eux.

La jeune femme alla enfiler quelque chose de plus confortable et se promit de nettoyer tout cela avant de le renvoyer à son propriétaire. Elle revint ensuite, déjà nettement plus jolie.

▬ « Est-ce que tu désires avoir quelque chose à boire ? »

Mes pieds entrèrent dans sa charmante demeure tout près de l'énorme étendue d'eau. Ce que je vis me laisse tout simplement sans voix, regardant vers la gauche et ensuite vers la droite. Je constate alors que sa demeure est ordonné, propre et un doux parfum circule dans l'air, comparativement à la mienne qui est sale, poussiéreuse et dégoûtante. Un étrange sentiment prit possession de tout mon être. Un sentiment qui, malgré moi, me fit mordre ma lèvre inférieure. Je me sentis répugnant, malpropre. Je jette rapidement un coup d’œil à mon accoutrement tâché de sang et de boue. Je me racle la gorge et me gratte de nouveau de nuque anxieuse.

Percevant que celle-ci ne se rend aucunement compte de mon malaise soudain, je m'assois sur le divan où elle m'invite à prendre place. Ce siège est vraiment confortable. Je continue d'observer la décoration. Je me suis toujours contenté de très peu, je vis chaque jour comme si la veille n'avait jamais existé. Je dois chasser pour manger, faire du feu pour me réchauffer et parfois je dois me battre pour pouvoir me dire chanceux de vivre une journée de plus. Je ne possède pratiquement rien de valeur ou de matériel, excepté mes armes que j'ai volées et la minuscule bourse qui pend après ma ceinture. Voulant me changer les petites idées déprimantes qui hantent mon esprit, je lève mes yeux vers la femme-poisson, la reluquant, celle-ci étant dans la cuisine. Un petit sourire bête apparaît sur le coin de mes lèvres.

- Je reviens, d'accord ?

Entendant sa voix non loin de moi, je perdis mon sourire ridicule qui planait sur mon visage depuis un bref instant. J'acquiesce, voyant celle-ci disparaître derrière un rideau. C'est à cet instant que je constate qu'il n'y a aucune porte dans sa maisonnette. Je hausse les épaules, ce n'est pas comme si cela me dérangeait vraiment, c'est le moindre de mes soucis.

Lorsque la sirène réapparut dans mon champ de vision, celle-ci ayant changé d'habit, je la trouvasse encore plus séduisante qu'elle ne l'était déjà avec les guenilles qu'elle portait il y a un court moment.

- Est-ce que tu désires avoir quelque chose à boire ?
- Eum .. Je .. De l'eau, s'il te plaît.

Je me racle la gorge, ayant légèrement perdu mes moyens. Il y a de ces moments où je me trouve tellement ridicule. Je me lèvre et tourne mon regard vers où j'étais assis et émet un léger soupire, secouant le coussin que je viens de salir de mon incroyable hygiène sans reproche. Je reste dans cette position, dos à la sirène. Je ne cesse de me demander pourquoi est-ce que je me sens ainsi ? Une grande haine envers moi-même. Je baisse honteusement les yeux, ne bougeant toujours pas.

En lui faisant un sourire, la princesse se retourna vers l'endroit qui se rapprochait le plus d'une cuisine. Sa maison était faite toute d'un bloc, de sorte que les pièces n'étaient pas vraiment délimitées, donnant l'impression à plus d'espace qu'il n'y en avait réellement.

▬ « C'est comme si c'était fait. » avait-elle dit en prenant une chope d'environ d'eau litre qu'elle versa dans un verre brillant.

Ariel eut un petit sourire en regardant la vaisselle qu'elle avait pu se payer avec les années, ce n'était certes pas l'argenterie qu'elle possédait autrefois, mais c'était toujours mieux que les pauvres chopes de bois qu'elle possédait à son arrivée dans ce monde. Tout avait été si compliqué pour tous les habitants lorsqu'ils avaient émergé dans ce monde sans leurs choses qu'ils avaient tous dut s'entraider. Maintenant l'aide était moins présente et on sentait bien que tout était sur le point de revenir comme avant ; les problèmes allaient revenir. La princesse chassa cette idée noire en revenant vers lui, un petit sourire aux lèvres. Elle posa sa main sur l'épaule d'Hansel, lui intimant silencieusement de se tourner dans sa direction, puis elle lui glissa le gobelet en verre entre les mains. Elle observa un instant autour d'eux, comme si elle pouvait à nouveau s'émerveiller de cette maison qu'elle avait mis tant de temps à rendre aussi jolie et accueillante qu'elle l'était.

▬ « J'ai fais bouillir de l'eau. » avait-elle dit avec un petit sourire en coin, elle se doutait qu'il ne comprendrait pas vraiment où elle voulait en venir et c'était bien son intention.

Après tout, il était hors de question qu'elle lui laisse une chance de s'enfuir avant de se laver complètement, de la tête aux orteils en passant par les oreilles. Elle eut un nouveau sourire avant de tirer une chaise de la table à manger et de s'asseoir, visiblement amusée par la situation. Hansel avait un drôle d'air depuis qu'elle était sortie de sa chambre, la sirène aux cheveux de flammes se rendait bien compte de l'effet qu'elle avait sur lui. Cela la rendait heureuse et anxieuse, libérée et mal à l'aise. Beaucoup d'émotions se succédaient à l'intérieur d'elle, mais la princesse mit tout ceci de côté. Elle entendait les bulles qui éclatait dans la baignoire derrière le rideau de la cuisine, l'eau était chaude, brûlante peut-être même.

▬ « Viens ! » dit-elle avant de s'engouffrer derrière ce même rideau pour éteindre le feu qui avait fait chauffer ces litres d'eaux.

Normalement, la princesse pouvait prendre son bain dans la même eau au moins deux fois, afin d'éviter de gaspiller l'eau propre, mais elle avait décidé de faire une exception pour Hansel. Elle attendit, assise sur le bord de la baignoire qu'il daigne montrer le bout de son nez, en espérant très fort qu'il ne se sente pas insulté par ce qu'elle lui offrait. Elle considérait que c'était la monnaie de la pièce qu'il lui avait donnée la veille, même ... un ombre comparé à tout ce qu'il avait fait pour elle au cours de la nuit. Lorsque le rideau s'écarta, la princesse eut un sourire et se releva pour lui faire face ; la « pièce » n'était pas très grande, mais suffisamment pour qu'un claustrophobe ne s'y sente pas trop à l'étroit.

▬ « Comme tu m'as offert un toit, que tu m'as réchauffé au cours de la nuit alors que je grelottais, je me sentais énormément redevable envers toi. Du coup, je t'ai préparé un bon bain chaud. » dit-elle avec un demi-sourire.

Maintenant que c'était fait, qu'il était là devant elle, Ariel doutait vraiment de son geste. Elle avait déposé des cristaux salés dans le fond de la baignoire, quelque chose de très relaxant et l'odeur des fleurs qui embaumaient l'air étaient doux, mais ne pouvait pas servir de savon, cette odeur-là ne resterait pas. Elle observait ses moindres faits et gestes en espérant y déceler une émotion quelconque, mais Hansel était difficile à déchiffrer.

Je ne l'entends guère me répondre et changer de pièce. Mon esprit était recroquevillé sur lui-même dans mon for intérieur. Les yeux livides, fixant le plancher. Je perds légèrement la notion du temps, n'entendant plus aucun bruit, le néant absolu. Je viens même à me demander qu'est-ce que je fais ici ? Cela n'est point ma place. Je suis planté là, crasseux, dans une splendide maison, faisant acte inutilement de ma présence nuisible. Cela n'est point ma place. Ariel ne devrait pas prêter attention à une créature comme moi. Elle est si belle et si douce, si délicate et moi .. moi .. J'émets un autre soupire. Je me dis subitement que je devrais partir discrètement, ne plus faire perdre de temps précieux à la jolie demoiselle.

Le contact de sa main sur mon épaule me fais cligner des yeux plusieurs fois, revenant à la réalité de notre nouveau monde. Je me tourne dans sa direction, celle-ci me déposant mon breuvage entre mes mains. Mon regard azur se pose dans les yeux, une telle joie y est visible que ceci chasse immédiatement mes pensées obscures que m'assaille depuis un bon moment déjà. Je porte le gobelet à mes lèvres et prends une gorgée du délicieux nectar froid et transparent. Je sens l'eau tomber jusque dans mon estomac.

- J'ai fais bouillir de l'eau.

Ok ? Je fronce les sourcils, mais ne dis rien. C'est bien beau qu'elle est fait bouillir de l'eau, mais je n'ai pas vraiment faim. Elle et moi venions de manger il y a quelques heures. Je la regarde agir, l'air hébété, je dois sérieusement avoir l'air d'un vrai crétin avec cette tronche, mais je ne m'en soucie pas. Cette situation m'intrigue. Pourquoi veut-elle faire bouillir de l'eau ? Je ne savais pas que la réponse à ma question allait se répondre à cet instant, lorsque la sirène disparut derrière un rideau me disant de venir. Je regarde la séparation des deux pièces un certain moment, commençant à comprendre ce qui m'attend derrière. Devrais-je y aller ou non ? Je finis par m'approche et écarte le rideau, retrouvant la demoiselle. Je scrute la pièce des yeux, une odeur agréable arrive jusqu'à mes narines et une voix agréable arrive jusqu'à mes oreilles.

- Comme tu m'as offert un toit, que tu m'as réchauffé au cours de la nuit alors que je grelottais, je me sentais énormément redevable envers toi. Du coup, je t'ai préparé un bon bain chaud.

Mes yeux azur se déposent sur la baignoire, l'air impassible. Un étrange sentiment prends possession de mon esprit, mais je ne sais dire laquelle. Un sourire mal à l'aise se dessine sur mes lèvres et je baisse honteusement les yeux, sentant une légère lisière d'eau au creux de ceux-ci. Un étrange ''moton'' me serre le cœur. Cela peut paraître si ridicule pour une personne normale, qui vit dans une splendide demeure, mais pour moi, cela représente beaucoup ce style d'attention. Depuis que je suis dans ce nouveau monde, donc dix longues années, je n'ai jamais pu me faufiler dans une baignoire d'eau chaude. Depuis que je suis au monde, donc vingt interminables années, j'ai dû me faufiler dans une baignoire d'eau chaude qu'à une dizaine de reprises. D'où je venais, nous ne devions tellement pas gaspiller d'eau, que nous utilisions tous la même eau. D'abord mon père, ensuite la marâtre, je faisais ensuite passer ma petite sœur et je méritais des restes. Les restes, c'est toujours ce que j'ai eu. Pourtant, j'essaie d'être une bonne personne, mais faut croire que c'est ce que je mérite.

Je passe une main dans mes cheveux, essuyant par la même occasion une larme rebelle qui a réussi à s'extirper de mes yeux pour glisser le long de ma joue. Je lève mon regard lustré d'eau vers la sirène, léger et doux sourire sur le coin de mes lèvres.

- Merci Ariel, mais cela n'est pas nécessaire. Tu n'es aucunement redevable envers moi.

En l'observant du coin de l'oeil, la demoiselle avait réalisé qu'il avait les yeux brillants. Pourquoi est-ce qu'il pleurait ? Elle patientait en silence en jetant de brefs coups d'oeil dans sa direction, pour s'assurer qu'il ne s'enfuit pas en courant - pour une raison qu'elle ne comprenait pas. Elle le vit essuyer du revers de la main une goutte salée qui avait courue sur sa joue, puis elle les questions commencèrent à encombrer son cerveau.

▬ « Merci Ariel, mais cela n'est pas nécessaire. Tu n'es aucunement redevable envers moi. »
▬ « Tu ne te rend pas compte de ce qui aurait pu se passer ? Assommée, battue et séquestrée par des hommes probablement très horribles. Tu m'as sauvé la vie, si cela ne vaut pas un petit bain chaud à tes yeux, c'est que tu ne comprends rien. »

Elle avait dicté les faits d'une manière si désinvolte qu'une personne normale aurait peut-être mal réagi. Elle ne pouvait pas se permettre de ressasser cette expérience, elle ne pouvait pas se permettre de pester contre sa propre manie de se mettre involontairement en danger. La jeune femme croisa les bras sous sa poitrine en la mettant en évidence d'une manière totalement innocente, c'était pour elle plus un réflexe qu'une réelle manière de séduire.

▬ « Tu vas m'écouter, d'accord . Retire tes vêtements boueux et envoie tes belles petites fesses dans cette baignoire, compris ? »

S'il fallait qu'elle lui parle de cette manière pour se faire comprendre, la jeune femme se dit que cela en valait la peine. Elle n'avait rien à perdre après tout. Elle avait envie de le laisser se baigner comme il le désirait sans faire sa voyeuse, mais ... cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas ressenti ce type de désir envers un autre homme, qu'elle n'avait pas envie de le laisser seul.

▬ « Je vais chercher ce qu'il faut pour nettoyer correctement tes cheveux et ta peau, plonge dans la baignoire en m'attendant. Jette-moi tes vêtements, je pourrai peut-être en faire quelque chose. » dit-elle avec un joli sourire en direction du jeune homme.

Ariel se leva du bord de la baignoire en lui pointant du menton, il n'avait pas vraiment le choix. S'il en avait toujours un, elle ne lui laisserait pas le loisir de faire le contraire de ce qu'elle lui avait dit. Princesse un jour, Princesse toujours. Au fond du coeur, il lui restait toujours un peu de son sang royal qui lui permettait de donner des ordres en espérant qu'on l'écoute au mot. Elle lui donna une petite poussée dans le dos afin de l'approcher de la baignoire, puis quitta la « pièce » qui contenait le grand bain.

En allant dans la cuisine, elle plongea les mains dans la boîte qui contenait tous ses produits ménagers et produits de bains qu'elle avait fabriqués elle-même le plus naturellement qu'il était possible. Elle revint ensuite en direction du rideau et s'arrêta derrière avant de se racler la gorge.

▬ « Est-ce que tu as plongé, je n'ai pas envie de te voir rougir parce que j'aurai vu tes fesses. » demanda-t-elle avec les joues roses de gêne, un sourire néanmoins visible sur ses lèvres.

Je cligne plusieurs fois des yeux pour réduire néant toute l'eau qui s'y étaient logés. Je ne sais pas trop ce qui vient de se passer pour que mon coeur se serre autant. Seulement parce que la sirène me propose gentiment de prendre un bon bain chaud.

- Tu ne te rend pas compte de ce qui aurait pu se passer ? Assommée, battue et séquestrée par des hommes probablement très horribles. Tu m'as sauvé la vie, si cela ne vaut pas un petit bain chaud à tes yeux, c'est que tu ne comprends rien.

Un petit sourire en coin apparaît alors sur mes lèvres. Je me dis alors que cela n'est qu'un petit mal entendu entre elle et moi. Je ne dis pas que cela ne vaut pas un bain chaud, seulement qu'elle ne me doit rien. J'ai agi instinctivement et non pour recevoir quelque chose en retour, mais je ne rajoute rien, car mon attention est attirée vers la généreuse poitrine de celle-ci. Cette dernière, bras croisé, fait ressortir ses jolis attributs féminins.

- Tu vas m'écouter, d'accord . Retire tes vêtements boueux et envoie tes belles petites fesses dans cette baignoire, compris ?

Je remonte subitement mes yeux vers les siens, me raclant la gorge, venant de me rendre compte que je reluquais toujours ses seins. Je croise alors mes bras, appréciant particulièrement le ton sur lequel elle s'adresse à moi. À la fois autoritaire et séduisant. Pense-t-elle paraître un minimum menaçant ? Je hausse les épaules et fais un mouvement de tête affirmatif, ne rajoutant rien, car de toute façon, je n'ai guère le temps.

- Je vais chercher ce qu'il faut pour nettoyer correctement tes cheveux et ta peau, plonge dans la baignoire en m'attendant. Jette-moi tes vêtements, je pourrai peut-être en faire quelque chose.

Mon sourire disparaît alors de mon visage lorsque cette dernière quitte la pièce. En m'attendant . Parce qu'elle compte revenir . Une gêne intense monte en moi. Je ne m'attendant pas à ce qu'elle assiste à mon lavage. Je retire soigneusement mon arc, mon carquois et ma lourde épée que je dépose sur le sol, près de la baignoire, juste en cas de besoin, ceux-ci sont bien accessible. Mon chandail finit par aller rejoindre mes armes sur le sol. Je passe ma main sur ma grosse cicatrice, celle-ci partant de mon épaule jusqu'à mon coeur. J'émets un soupire, inspectant les quelques cicatrices qui recouvrent mon corps. Je détache ma ceinture et descend mon pantalon et le retire, passant tout près de trébucher, un amas de sable tombe sur le sol et je secoue la tête.

- Boueux .. Ouais ..

Je me demande ensuite si je dois retirer mon sous-vêtement ou non ?

- Est-ce que tu as plongé, je n'ai pas envie de te voir rougir parce que j'aurai vu tes fesses.

Ma tête se tourne vers le rideau qui sépare les pièces de sa petite demeure.

- Euh .. Je .. Deux secondes !

Je finis par prendre sur moi, enlever mon boxer. Les deux pieds dans l'eau chaude, je me laisse glisser pour y plonger mon corps. Un chaleureux sentiment m'enivre, je ferme alors mes yeux quelques secondes, profitant de cette sensation nouvelle pour moi.

Attendant de ce côté-ci du rideau, j'observe la maison dans laquelle j'ai passée les quinze dernières années. Je n'ai jamais pensé à changer la décoration accroché sur les murs, jamais penser à renouveler mes ustensiles de cuisine pour quelque chose d'un peu plus chic, parce que les choses ont évolués depuis la fermeture des portes. Des clans se sont créés, et les plus riches écrasent encore les plus pauvre, les plus beaux insultes les moins séduisants. Peut être est-ce pour cette raison que je reste en cabanée ici, comme une prisonnière. Je ne songe pas à m'enfuir, ma prison est belle et douillette. Si j'y suis si bien, pourquoi est-ce qu'à l'instant je trouve les coquillages, les étoiles de mer, les peintures accrochés sur les murs tellement insignifiant ? Je me retourne simplement vers le mince bout de tissu qui change cette petite pièce exiguë en une salle de bain, des plus rustique, certes, mais une salle de bain tout de même. Peut être est-ce à cause de lui ? M’as-t-il touché à ce point ? De voir qui sacrifierait sa seule couverture afin que j'aie de quoi me mettre sur le dos ? Je secoue vivement la tête pour me débarrasser de toutes ces pensées et lui demande finalement s'il est prêt à ce que j'entre.

Une phrase grommeler entre ses lèvres, deux “plouc” signifiant qui est entré dans la baignoire m'indique que c'est le temps d'entrer en jeu. S'il pouvait entrevoir ce qu'il pourrait être avec un peu d'aide et de soin, peut être aurait-il envie de prendre le temps de le faire… ou bien peut être préférerait-il que ce soit moi ?

《 Un, Deux. J'entre. 》

Les bras chargés de différents produits fabriqués maisons, je pousse le rideau avec mon pieds en manquant de peu le pied de la baignoire du bout des orteils. Je grogne silencieusement contre ma maladresse et dépose mon fardeau sur la petite table dans le coin. Je jette un bref coup d’œil en direction de ses vêtements, sachant très bien dans quel état je les trouverais. Tant pis, s'il accepte mon aide, je lui proposerai quelque chose à ce sujet.

《 Eh bien, on ne pourra pas considéré ce bain comme dérisoire, ma parole. 》

Je lui fais un sourire avant de pousser ses vêtements l'autre côté du rideau avec mon pied, refermant ce dernier dans mon dos afin de garder la chaleur dans la petite pièce. Je plonge la main dans le seau qui contient mes produits de bain avant de lui tendre une brosse avec un sourire espiègle et les joues rouges comme le feu.

《 J'imagine que je ne nettoyerai pas tout, n'est ce pas ? 》

Je prend une seconde brosse propre et applique une lotion dessus. Je sens que le travail sera ardu au niveau du dos. Comment peut-il vivre ne serait-ce qu'une journée avec autant de saleté collé à sa peau ? Il n'est pas une princesse, me répète une petite voix dans ma tête. J'observe son visage prendre les teintes d'une framboise en souriant, l'eau est chaude. Aurais-je exagéré la température ? On m'obligeait à prendre un bain chaud avant, du temps où je vivais dans un château.

《 Dis-moi, ce n'est pas la température habituelle de ton eau, c'est ça ? On peut attendre un peu qu'elle refroidisse si tu veux. 》

Je n'arrive pas bien à déchiffrer l'expression sur son visage dans l'angle d'où je suis. Assise entre la baignoire et le mur, cette dernière m'arrive à peu près au menton, donc je ne vois que le profil de son visage et une partie de son épaule. Il est bel homme, il n'y a pas à dire, même s'il est très rustique.

Yeux clos je profite de cette sensation que je qualifierais de .. Agréable. Je sens l'eau et la chaleur tout autour de moi, frôler mon chaque parcelle de mon corps nu. Du plus lointain de mes souvenirs, je ne me souviens pas d'avoir déjà plongé dans un bain ou même de l'eau aussi chaleureuse. Je ne pus m'empêcher d'émettre un soupire de réconfort. La vie de château ou bien de luxe n'a jamais été quelque chose qui m'est passé par l'idée d'espérer. Plus jeune, je regardais régulièrement dans les maisons des personnes plus nantis que moi en m'imaginant à leur place, ce que je ferais ou mangerais, mais je revenais assez rapidement à ma réalité a moi. Je me plais dans ma vie simpliste, mais à cet instant présent, je dois m'avouer que prendre un bon bain chaud, c'est un tout petit luxe que j'aimerais bien revivre plusieurs fois.

- Un, Deux. J'entre.

J'ouvre alors mes yeux entendant la voix de la demoiselle, je remarque immédiatement les nombreux produits que celle-ci transporte dans ses bras. Qu'est-ce que tout cela est ? Je détourne alors mon regard, venant de me souvenir que je suis nu comme un ver. Je sens mes joues devenir écarlate, petit sourire maladroit sur mes lèvres.

- Eh bien, on ne pourra pas considérer ce bain comme dérisoire, ma parole.- Oui, je n'en doute pas.

Vue la coloration de l'eau qui est rapidement devenu grisâtre par ma peau sale, voir gommer, je me doutes fortement qu'un bain est nécessaire. Quoique lorsque je me rends à la rivière la plus prêt pour nettoyer ma peau, mes cheveux et mes vêtements, je ne prends pas le temps de laver et frotter parfaitement pour décoller toutes la boues, voir parfois le sang qui peut se loger sur moi.

- J'imagine que je ne nettoierai pas tout, n'est-ce pas ?

Retournant la tête vers elle, je constate qu'elle est tout prêt de moi, je peux sentir son doux parfum. J'attrape la brosse dans ma main, ça je connais. Je secoue la tête par la négation comme signe de réponse. Je me trouve tellement stupide par moment, de ne pas savoir quoi répondre. J'ai si souvent la phrase qu'il faut, mais pas dans ce style de situation. Il est pour moi, très rare de me retrouver nu avec une demoiselle et de faire la conversation. Nu, a de rare occasion, mais pas plus, je ne prends pas trop le temps d'apprendre à la connaître, ce n'est que pour un soir après tout.

- Dis-moi, ce n'est pas la température habituelle de ton eau, c'est ça ? On peut attendre un peu qu'elle refroidisse si tu veux.
- Non .. Non. Je dois t'avouer que .. C'est la toute première fois que je prends un bain d'eau chaude, *Léger soupire* mais je dois aussi t'avouer, que c'est agréable, vraiment agréable.

Je lève mon regard d'azur vers ses yeux à elle. Pourquoi une si jolie demoiselle prends le temps de m'accorder autant de temps ? Je n'arrive pas à comprendre. Je suis un homme crasseux et répugnant. Les gens ne s'arrêtent pas pour prendre soin de moi, de me demander comment je vais. Elle m'intrigue tellement. Elle est forte en étant fragile et elle est belle .. Tellement belle. J'ai par moment l'impression que sa beauté m'enivre, m'envoûte. Pouvoir de sirène ou simplement elle ? Je ne sais guère. Je me racle la gorge, plongeant la brosse sous l'eau.

- Je dois te poser une question. Cela me tracasse depuis déjà un certain moment. Je voudrais savoir pourquoi. Pourquoi m'accueilles-tu chez toi comme cela ? Tu sais, les gens ont plutôt tendance à me dévisager, me pointer du doigt, mais pas toi.

▬ C'est la toute première fois que je prends un bain d'eau chaude.

Étrangement, cela ne me surprend pas vraiment étant donné que le jeune homme semble sortir du bois. Il se tourne doucement vers moi et je n'ose pas bouger, pas de rapprochement ni de regard qui pourrait être mal interprété. Je prends plusieurs petites inspirations et expirations afin de ne pas lui lancer mon haleine au visage, je ne crois pas avoir une mauvaise odeur à ce niveau, mais étant donnée l'incertitude ... Il plonge finalement la brosse sous l'eau et lorsqu'il la ressort, j'applique un savon sur les poils durs qui devraient venir à bout de la couche de saleté qui lui couvre presque entièrement le corps. Mes mains glissent doucement sur le bord de la baignoire en l'observant, quelque chose semble le troubler, un pli plutôt disgracieux s'est formé au milieu de son front et ses sourcils sont légèrement froncés.

▬ Je dois te poser une question. Cela me tracasse depuis déjà un certain moment. Je voudrais savoir pourquoi. Pourquoi m'accueilles-tu chez toi comme cela ? Tu sais, les gens ont plutôt tendance à me dévisager, me pointer du doigt, mais pas toi.

Un petit sourire apparaît sur mes lèvres au moment où il ajoute les derniers mots. Il est vrai que j'ai toujours été une princesse très patiente et compréhensive, je ne vois jamais la première face d'une personne et je cherche constamment à vérifier si les premières impressions sont véridiques ou mensongères. J'appliquai le même savon sur la brosse que j'avais encore dans la main droite et la déposai sur son épaule droite sans frotter sa peau.

▬ Je ne suis pas tout à fait comme les autres, tu l'auras sans doute remarqué. Je n'aime pas juger les gens par ce que je crois apercevoir d'eux, parce qu'en faisant cela, nous nous trompons régulièrement.

Je commençai à frotter délicatement la peau de ses épaules afin de déloger les débris d'origine inconnue. En moins de quelques secondes à frotter plusieurs petites galettes se décollèrent de la peau et je put les retirer avec les doigts en ayant un demi-sourire. J'hésitais entre le dégoût par tant de saleté ou l'amusement de découvrir qu'en dessous il y avait une magnifique peau claire. Ni trop bronzé, ni trop pâle. Je glissai mon index sur la peau douce du jeune homme ; parce qu'il est prouvé qu'un bain de boue rend la peau extrêmement douce et saine. Le savait-il ? Je pouffai de rire intérieurement, puis recommençai le travail ardu qui m'attendait. Je lui demandai à quelques reprises de se pencher un peu plus vers l'avant afin d'avoir accès au bas de son dos et il ne ronchonna pas autant que ce à quoi je m'attendais. Lorsque j'eus terminé le dos, je sortis de la salle de bain et allai chercher un peu d'eau propre pour m'attaquer à la tignasse qu'il portait fièrement sur la tête. Je mélangeai un demi-sceau d'eau bouillante avec un demi-sceau d'eau froide ce qui donnait un sceau pas trop chaud à verser sur la tête. Je savonnai ses cheveux et les démêlai grâce à un peigne fin, puis m'arrêtai complètement afin de le regarder.

▬ Je vais laisser le savon sur ta tête durant quelques minutes afin qu'il puisse faire complètement ce pour quoi il est employé. Quand tu vas sortir d'ici, t'auras l'air d'un prince. Enfin, ou presque.

Je pouffai de rire pour vrai cette fois et me laissai tomber à côté du bain, assise. La situation m'amusait, c'était l'une des premières personnes que je laissais m'approcher depuis notre arrivée dans ce nouveau monde et je ne regrettais pas jusqu'à maintenant. Il était gentil, généreux et très amusant, malgré l'opinion qu'il avait de lui.